. .
. Le hors nĠest pas un autre espace situ au del dĠun espace dtermin, mais
il est le passage , lĠextriorit qui lui donne accs - en un mot : son visage
, son eidos. Le seuil, en ce sens, nĠest pas autre chose que la limite; cĠest
pour ainsi dire lĠexprience de la limite mme, de lĠtre - dans un dehors. .
. Giorgio Agamben
Invite
par lĠ Institut de Dveloppement Artistique, Claire Maugeais a ralis une
intervention sur un btiment public : la Facult des Lettres dĠAix en Provence.
Une
lecture attentive de la faade principale laisse transparatre quelques indices
sur les intentions qui ont prvalu pour lĠrection du btiment construit dans
la premire moiti des annes 1960. Ce btiment de 6 tages prsente quelques
curiosits. Du rez-de-chausse au deuxime tage, la faade donne lĠillusion de
sĠtre retire derrire un simulacre de colonnes portantes runies entre elles
par un arc bomb, tandis que le dernier tage est parcouru dĠune galerie couverte,
autant dĠlments ornementaux en contradiction avec le dogme moderniste encore
en cours lĠpoque.
LĠintervention
prend en compte la totalit dĠun btiment en privilgiant les seuils. Trois sas
vitrs de la facult ont t provisoirement obturs par une pellicule de papier
supportant des images photocopies. Les trois sas choisis par lĠartiste peuvent
tre perus comme trois rpartiteurs fonctionnels. En effet, lĠun est lĠentre
principale de lĠUniversit, le second
mne les tudiants la cit universitaire et le troisime, enfin,
communique avec la caftria.
Enseigner-apprendre,
dormir ou manger.
Les
espaces de communication entre lĠintrieur et lĠextrieur rvls la limite
du btiment questionnent lĠusage de lĠarchitecture.
A
chacun des sas correspond un montage singulier.
La
proposition prsente des btiments contemporains, monts de tel sorte quĠils
reconduisent un horizon improbable, qui vient se superposer une ralit
prexistante: un parvis, un passage entre deux btiments, une liaison. Si les
premiers travaux de Claire Maugeais interrogeaient encore lĠ aporie de
lĠarchitecture moderne, ici les images proposent des visions dĠ architecture
post-moderne: Un Building dĠ Hiroshi Hara Osaka voisine avec un btiment la gloire du Rock and
Roll dĠ I. M Pei Cleveland. Leur image est dans le passage conduisant la
caftria, runis en un tour du monde architectural la Facult dĠ Aix en
Provence qui reconstitue un ÒailleursÓ .
LĠinstallation diffracte en trois parties distinctes
fait appel une reconstruction mentale hypothtique. La visibilit de
celles-ci contraint le visiteur un parcours lĠintrieur de la Facult. En
traversant de sombres couloirs de souricire, nous dcouvrons des informations de diverses natures : des
numros de porte, des intituls de dpartements, dĠenseignements, des heures de
cours ou encore, des prochaines manifestations politiques ou culturelles.
LĠoeuvre fonctionne comme un rvlateur de ralit qui nous amne rvaluer
lĠespace que nous traversons; cela est particulirement sensible dans la pice
qui articule la liaison avec les cits universitaires.
Sur
chacun des murs latraux de nombreuses affiches plus ou moins lacres font apparatre la vtust du btiment
alors que la pauvret de la photocopie se prsente comme luxueuse .
La
finesse du papier laisse passer une partie de la lumire dans la journe, une
lumire filtre traverse les photocopies, crant un effet de caisson lumineux,
tandis quĠ lĠextrieur nous ne percevons que des vitres blanches.
La
nuit, cĠest lĠintrieur qui est totalement opaque.
Le
montage et la matrialit du support papier sĠen trouvant redoubls, tandis que
de lĠextrieur le motif devient perceptible, transformant lĠarchitecture,
elle-mme, en support de projection. Cette lisibilit double face, prise en
compte depuis lĠinstallation ralise au MAC en 96, perturbe notre relation
la reprsentation.
La
fentre, utilise abruptement comme support dĠexposition, contredit lĠusage
mtaphorique de la reprsentation en peinture.
LĠinterrogation
sur la ville dveloppe par Claire Maugeais depuis les premiers collages
fabriqus Wuppertal en 1989 qui
pose lĠartiste acteur au sein dĠune collectivit urbaine, a trouv depuis la
premire installation murale la Galerie Sequenz (Francfort 1993) de nouveaux
champs dĠapplications.
Elle
ralise des collages directement sur les murs, sur les espaces vitrs des lieux
qui
accueillent
son travail pour une dure temporaire. Dans un jeu de renvoi multiple, le
support du travail est aussi le point de dpart et de retour du questionnement.
En 1989
elle visite les maisons de Mies Van Der Rohe Krefeld. Elle construit des
maquettes des deux villas et projette une installation murale qui dconstruit
la circulation de la maison. Tafuri et Dal Co crivent propos de la Hubbe
Haus (Magdeburg 1935) du mme Mies: ÒLa nature devient une partie du dcor, un
spectacle dont on jouit seulement comme un lointain insaisissable.
LĠimbrication entre lĠintrieur et lĠextrieur tait considre comme illusoire
: La nature pouvait tre remplace
sans aucune difficult par un
photomontage Ò. LĠaffirmation de
ces historiens pousse ses
consquences extrmes le systme de pense de Mies qui se tiendra la vertu
mtaphorique du rideau de verre.
Claire
Maugeais pose le panorama comme une rptition, clate en trois lieux,
convoquant le spectateur des moments distincts.
Chacun
des trois photomontages est
excut grce la constitution dĠune bande paysagre monte en boucle.
LĠespace de reprsentation fabriqu devient de la sorte multifocale. La
perception lĠchelle du regard nous permet dĠembrasser un vnement dupliqu.
Ici et
ailleurs cĠest toujours le mme, cĠest dire la mme image qui revient. Le rle ducatif et propagandiste du
panorama (architecture circulaire, rception collective et simultane de la
restitution dĠun point de vue unique), tel quĠil put tre mis en scne pour le
pavillon Edison la foire internationale de New-York en 1939 sous le titre la
Ville Lumire, reoit ici sa critique fonde.
La
ville, que prsente Claire Maugeais est duplicable lĠinfini.
LĠimage
ruine, rsultante du processus mcanique de fabrication nous rappelle la
juste distance quĠil faut lui accorder.
LĠimage
sans le geste ne mriterait quĠune attention passagre.
Ce
quĠil en est de lĠimage : le choix
du point de vue de lĠartiste nous indique la relation que celle-ci et que les
visiteurs pourront avoir son
sujet. Ici, la vue, en lgre contre-plonge, plus ou moins accentue, prend la
Facult en tau, lĠhorizon qui sĠy dveloppe est urbain jusquĠ lĠ
coeurement.
Ce
photomontage ne laisse aucune place un lointain autre quĠurbain.
La
ville encercle la ville, semble nous souffler ces images. La campagne est elle-mme une
dpendance annexe dans le champ dĠinteraction de plusieurs villes. Le nez sur
la dernire Skyline nous pourrons
dire : - lĠailleurs est
ici.